Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 01 novembre 2008

My name is Garbo, Greta Garbo

greta garbo copier.jpgHier, à l’Autre cinéma à côté de chez moi, j’avais ma petite séance de repos à la caisse. C’est plutôt tranquille la caisse, même quand il pleut, même si c’est les vacances scolaires. On peut rester de longues heures, près du radiateur, à regarder son ordinateur qui rame, qui rame. Il y a quand même un peu de travail à faire, comme par exemple, le ménage pour que tout soit beau joli quand les spectateurs arrivent, ou enregistrer les entrées du jour pour que ces messieurs dames du CNC voient comment on travaille bien pour la culture mondiale. Il faut aussi, le vendredi, faire la monnaie pour le week-end, afin de ne pas arriver le mardi avec que des gros billets dans son fond de caisse et attendre deux heures que les spectateurs retournent leurs poches ou vident carrément leurs sacs pour trouver les vingt centimes qui feraient notre bonheur de caissier. Me voila donc partie sous la pluie, ma sacoche sous le bras, pleine de gros billets, avec la ferme intention de les transformer en rouleaux de sous qui fond gling-gling dans ma caisse quand je les y range.

Je les connais bien les employés de ma banque, c’est une petite banque de quartier, avec peu de turn-over dans le personnel, chaque fois qu’ils me voient arriver, ils doivent penser : «Tiens, voila la dame pour la monnaie !». Je les aime bien aussi, on fait le même métier. Eux ils vendent des sous et moi des billets… de cinéma, ou des verres de Buzet. Dans le fond, c’est pareil.

Je faisais la queue sagement, comme d’hab’ et quand arriva mon tour, je vis bien qu’il avait trop chaud, le jeune homme derrière son comptoir et sa cravate. Il s’activait sur sa chaise à roulette, devant son ordinateur, son tiroir caisse et son téléphone. Heureusement que sa calculette est dans sa tête que je me disais, comme ça, il n’a pas besoin de la chercher partout. Il me fit un petit sourire timide en voyant mes billets sur le comptoir. D’habitude il note sur un papier combien je lui porte et il me donne en échange les rouleaux d’automne tant convoités le vendredi. Ça va vite, c’est simple, pragmatique et efficace. « La procédure a changé », me dit-il. « Oui, oui », que je lui répondis sans vraiment écouter ni comprendre, d’ailleurs. « Il me faut votre numéro de compte » précisa-t-il. « Ben, c’est vous la banque du cinéma à côté de chez moi, et c’est vous qui avez l’ordinateur, là, juste en face de vous. Vous allez pouvoir trouver ça facilement ». « Oui, je vais faire une recherche par l’adresse. C’est quoi votre adresse déjà ? ». Moi, bonne fille, je la lui donnais sans problème. Évidement je la connais par cœur, c’est à côté de chez moi. Il commença à noter le nombre de billets que je lui présentais, sa saisie lui prit un temps fou. J’aime bien détendre l’atmosphère car je me plais à croire que j’en ai la gueule, surtout quand je vois des gens en difficulté. « Vous voulez que je vous donne les numéros des billets ? » que je dis pour rire. « Non merci, ce ne sera pas nécessaire » affirma-t-il sérieusement. « Ben dis donc, c’est quand même compliqué votre nouvelle procédure !». « Oui c’est un peu plus long surtout ». Les clients derrière moi semblaient tous d’accord avec lui. Au moment où je pensais qu’il allait enfin me donner de quoi travailler dans la joie et la bonne humeur, le jeune cravaté me tendit un papier : « Il va me falloir votre nom et votre signature ». « Bien sûr jeune homme, je m’appelle Greta Garbo » humphrey-bogart.jpgque je lui répondis fière de mon détachement matérialiste en ces temps de crise bancaire. Je riais mais lui pas du tout. Il inscrivait, il para- phait, il recomptait ses rouleaux qui allaient devenir miens, et sans lever la tête me répliqua : « Vous l’écrivez comment, Garbo ? ». Le monsieur derrière moi était mort de rire, mais pas mon petit caissier, je lui épelais alors glorieusement mon nom de star, lui permettant ainsi d’arriver au bout de sa procédure en moins de dix minutes. Avant de partir, je ne pus m’empêcher de lui demander si il fallait prendre un rendez-vous pour ouvrir un compte joint. Mamour et moi l’avions décidé le matin-même. « Oui, oui, bien sûr, repassez mardi ». « Très bien, ce sera au nom de Greta Garbo et Humphrey Bogart ». «Oui, mais sur rendez-vous seulement» conclut-il en attrapant les billets du monsieur derrière moi.

mardi, 03 juin 2008

Les files d’attente au cinéma

Dans les files d’attente, il y a celui qui est là le premier pour être bien placé.
Il y a le timide qui regarde ses pieds en avançant à petits pas.
Il y a celle, qui comme à la banque, laisse trois mètres de distance avec son prédécesseur, pour respecter la confidentialité, c’est important la confidentialité.
Il y a celui qui colle son prédécesseur parce qu’il a l’impression que ça ira plus vite.
Il y a l’impatient qui en 20ème position se met sur la pointe des pieds pour voir pourquoi ça n’avance pas.
Il y a celui qui raconte sa vie à la personne à la caisse.
Il y a celle qui se dandine parce qu’elle aimerait bien faire pipi, mais qui, non, décidément, elle ne quittera pas sa place.
Il y a toujours un grand, le portable à la main, qui prend des nouvelles d’une tata Marcelle convalescente. Et tout le monde a envie de dire : –« Bonjour tata Marcelle ! ».
Il y celui qui ne sait pas faire la queue et qui se met sur le côté.
Il y a une dame qui aimerait bien rentrer avec son fils de six ans sur un film d’horreur serbo-croate.
Il y a celui qui a un très gros billet et qui ne compte pas.
Il y a la petite dame qui n’a que des petites pièces et qui les compte lentement.
Il y a toujours des amoureux qui ne voient qu’eux.
Il y a des groupes de filles qui ont laissé leurs mecs devant le match, à la maison, et qui rigolent tout le temps parce qu’elles se sentent libres.
Il y a le petit Poucet qui, le sandwich à la main, laisse ses miettes partout.
Il y un mec qui fait la gueule parce que sa femme a invité des copines pour voir le match à la maison.
Il y a celui qui a deux heures à tuer en attendant son train et qui ne sait pas où mettre sa valise de 25 kg.
Il y a celui qui s'étonne de voir autant de monde sur un film aussi intimiste.
Il y a celle qui s'énerve de voir si peu de monde sur le chef-d'oeuvre de l'année. 
Il y a la dame qui renverse son sac sur la caisse pour trouver son portefeuille, sa carte de fidélité, ses lunettes… et qui oublie ses clés sur la caisse.
C’est un vrai travelling la queue de cinéma. Un travelling de la vie. Et quand tout le monde est rentré dans la salle, que le silence est revenu, il faut tout de même attendre car il y a toujours le retardataire qui arrive en courant les bras écartés en demandant si le film a commencé. Il a toutes les excuses du monde, le retardataire. Sa soupe était trop chaude, le distributeur ne distribue plus, il a remonté quatre étages, il avait oublié ses clés, il a tourné une heure pour trouver une place dans ce quartier impossible et surtout, surtout, il voulait joindre tata Marcelle mais ça sonnait toujours occupé. Quoi qu’il en soit, il ne compte pas le retardataire parce que lui n’a pas fait la queue.

mardi, 25 septembre 2007

Le rugby se joue à 30… plus un arbitre

1970. Assise sur un pouf aux pieds de mon père, je regarde mon premier match de rugby. La France rencontre l’Angleterre, je crois. Bien sur, je ne comprends pas grand-chose à ce qui se passe sur le terrain, mais je trouve les joueurs beaux et forts. Et l’attitude décontractée de mon père présage d’un bel engagement.

- « Dis papa, c’est qui le grand monsieur debout qui va rentrer dans le tas ? »

- « Il s’appelle Iraçabal, il est pilier et il joue à Bayonne. »

- « Ah, il est basque alors ? »

- « Oui, il est basque… Tais-toi maintenant, qu’on regarde le match.»

 

J’aurais bien demandé ce qu’est un pilier, mais, bon, je sens que le moment est critique. Alors j’imagine ce grand gaillard tenant le stade à bouts de bras et tous les autres joueurs lui grimpant sur le dos pour lui faire des chatouilles. Et c’est celui qui rit en premier qui perd. Mais là, le stade s’effondre et c’est très, très grave, les gens courent dans tous les sens. Mon esprit dramaturge s’égare au milieu des gravas pour retrouver le pilier assommé… mais un juron lâché par mon père me fait vite revenir à la réalité du match.

- « Papa, c’est pas beau les gros mots ! Si maman était là !… »

- « Oui, je sais, mais c’est l’arbitre aussi, il ne voit que ce qui l’arrange ! »

- « Eh ! c’est quoi un arbitre ? »

- « C’est celui qui fait respecter les règles du jeu. Il est neutre et c’est lui qui commande. »

- « Il est quoi l’arbitre, papa ? 

- « Il est gallois. »

- « Mais papa, les Anglais et les Gallois, c’est pareil ! »

- « Non, les Gallois, c’est les Gallois, et les Anglais, c’est les Rosbifs. Et tais-toi un peu que je regarde ! »

 

Suivent deux minutes de silence et d’intense réflexion enfantine. Je retente une sortie.

 

- « N’empêche que c’est pas juste, les Français ils ne comprennent pas quand l’arbitre il parle ! Pourquoi il n’est pas français, l’arbitre ? »

- « Je t’ai déjà dit qu’il devait être neutre, l’arbitre. Il n’est ni français ni anglais. »

- « Oui, je sais. Mais il pourrait être belge, l’arbitre, comme ça, les Français, ils comprendraient. »

- « Bon, ça suffit maintenant ! File dans ta chambre et révise tes tables de multiplication, surtout celle de 7. Je t’interroge à la fin du match ! »

 

Et voila, c’est toujours comme ça, pour une fois qu’il y a quelque chose d’intéressant à la télé, je me retrouve toute seule, avec ces stupides tables de 7, de 8 et de 9. Je suis sûre que les joueurs, ils s’en fichent des tables de multiplication. Et l’arbitre aussi.

Je n’ai pas vu la fin du match, mais, mon père de bonne humeur, oublia de m’interroger.

 

Le lendemain, jour de marché, toujours boudeuse, je me retrouve avec ma mère devant un étal pour acheter des poireaux (que je ne savais pas encore être l’emblème gallois), quand une grosse dame, au sourire édenté, s’approche de nous. Une discussion même pas rigolote s’engage alors entre les adultes. Moi, évidemment, je m’ennuie, quand la dondon se penche vers moi. « Tiens, elle pourrait faire pilier celle-là ! » ai-je juste le temps de penser.

« Et toi, mon petit garçon, qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand ? »

 

Regard noir, tonnerre, éclairs et foudre sur la grosse dame.

 

- « Je ne suis pas un garçon, je suis une fille, et quand je serai grande, je ferai arbitre belge pour faire gagner l’équipe de France !... Et toi, tu seras même pas pilier ! »

 

Je crois que j’ai pris une baffe mais cela n’affectera en rien mon amour naissant du rugby. Tandis que les tables de multiplication…

samedi, 15 septembre 2007

Là n’est pas la question !

Mamour n’aime pas le rugby, c’est le drame de ma vie.

Depuis le début de la coupe du monde, je le vois tourner en rond, bougonner, râler, et se contenter de profiter de l’ordinateur abandonné pendant les matchs. Mais hier, veille des derniers matchs de poules finales, alors que nous nous apprêtions à nous coucher, il se saisit de mon programme rugby et le consulte. Il m’annonce comme ça tout de go, les matchs que je vais pouvoir enregistrer pendant ce week-end où je travaille. Je souris. Le programme bien sûr, je le connais par cœur. Et là, en caleçon dans le salon, il s’agite, il s’énerve sur les retransmissions permises.

« Afrique du Sud – Etats-Unis ! »

« Ben quoi, Afrique du Sud – Etats-Unis ? »

« Tu ne peux pas voir le match, mais c’est incroyable, il ne passe pas dans la télé des pauvres ! »

Je sais bien qu’il n’en a rien à faire de l’Afrique du Sud, les joueurs noirs étant bien trop blancs pour inspirer un quelconque intérêt à ses yeux. Quant aux Etats-Unis, par principe et décret officiel, il les disqualifierait d’office. US go home ! Allez hop, l’hamberger dégoulinant dans la poche, on prend l’avion et on retourne s’occuper de ses oignons roussis.

J’ai beau lui expliquer que nous n’avons pas eu accès au trois-quarts des matchs, que j’ai déjà écrit une petite bafouille à ce sujet et que la blogosphère ovale s’est émue… « Là n’est pas la question ! » me rétorque t’il. Mais que fait le peuple du Rugby ?

« Vous devriez boycotter les matchs, écrire au service public, au ministre de la jeunesse et des sports, inonder le Web de pétitions revendicatrices, faire du barouf, descendre dans la rue, vous rebeller contre cette injustice télévisuelle ! »

Bon là je vais résumer un peu, car du coup nous nous sommes couchés assez tard, mais sachez Mesdames, messieurs les rugby-maniaques, que nous ne sommes que des moutons serviles, des gogos avachis, manipulés et lèche-culs de la pub de TF1. Aliénés, que nous sommes. Totalement, complètement, indécrottablement. Nous nous contentons que de quelques miettes, que l’on daigne bien nous jeter pour nous repaître. Allons enfants de la planète rugby contre nous de la tyrannie médiatique, marchons, marchons jusqu’à l’Elysée pour changer cet état de fait.

Je lui ai promis que pour la prochaine coupe du monde, le peuple serait debout, vigilant et intransigeant quant au respect de ses droits, mais que bon là, présentement, je me contenterai de voir les matchs sur la une, puisque justement je n’en vois pas beaucoup et que quand même le but du jeu c’est de les regarder…

« Là n’est pas la question ! »

Suis-je aveugle et naïve pour ne pas me rendre compte ?

Et c’est reparti pour un tour, il en bafouille Mamour tellement il s’énerve. Je n’ai plus qu’une solution : fermer les volets et les écoutilles me coucher et le laisser rêver sur la conscience du peuple bafoué qui se rebelle pour sa dignité.

Je sais que tu as raison Mamour, là n’est pas la question. Nous voulons du pain et du jeu, pour calmer nos ardeurs, mais du bon pain de nos campagnes et du vrai jeu de rugby, passionné.